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dimanche 12 juin 2011

Portrait d'un Sage : Yusef Lateef et son blues de l'Orient

Hello Radio-wave surfers / euses



Cette année, aux alentours de noël, je me replongeait dans le blues de l'Orient de Yusef Lateef.
Ce multi-instrumentiste génial méritait un portrait soigné, tant l'homme et sa musique sont attachants :
Chez Yusef, le blues affleure toujours comme une bénédiction.
Il est joué au Haut-bois et aux flûtes, voir même au basson !!!



Yusef a le blues au cœur,
Et il nous raconte l'histoire de son peuple comme le ferait Archie Shepp :
en musique :

De l’esclavage dans la vallée du Mississipi et les champs de coton
Au ghetto urbain des villes industrielles du Nord des USA
C’est le même mélange de rage de vivre, de tristesse et de joie :

Les poumons gonflés par un jour de pluie, regarder au delà de l’orage
Le cœur alourdi par les chaines, traité comme du bétail,
L’esclave s’invente une âme en la chantant !

Ici, c'est Juba Juba : Une composition dédiée à William Henry Lane (1825-62), alias Mater Juba.
Un grand "minstrel" -c'est-à-dire un danseur de claquettes-.


Une mélodie touchante qui va droit au cœur ; inspirée par un chant de prison du Mississipi.
L’interprétation parle de souffrance et de liberté
Au travers du rythme des chaînes
Au travers de rythmes enchainés,
D’harmonies stériles,
Et des improvisations d’une flute qui se lamente,
Et de vocalisations ressenties profond dans le cœur,
Deep in your Heart !!!


Le Blues, Çà commence par les work songs, les chansons de travail
Et çà se poursuit dans le secret de la nuit, au fonds de sa case,
L’oncle Tom dialogue avec soi-même
Un dialogue qui ne doit pas être entendu, car il parle de souffrance et de révolte
Un cri !!!


Puis, on se raconte à soi-même les problèmes d’argent, d’alcool, la femme qui t’a quitté !
Dépasser sa souffrance en la chantant !!!


Ce cri du peuple du Blues va profondément imprégner la musique de Yusef Lateef
Ce saxophoniste a joué avec Dizzy Gillespie, Art Blakey, Charlie Mingus,
et Cannonball Adderley, le bon vivant !!!


Ci dessous, une vidéo de Yusef qui joue un blues en hommage à Coltrane aux côtés de Cannonball :
Un hommage à Coltrane : "Brother John" :



Après avoir sévi sur les ondes d'une radio du côté de Philadelphie en tant que Disc Jockey,
Joël Dorn va devenir le producteur maison d'Atlantic
Il va injecter de la pop, du groove, de la soul, des chorales gospel et des cordes un peu sirop
dans le jazz de Yusef Lateef, Roland Kirk et Fathead Newman...



Chaque album enregistré par Yusef pour le label Atlantic était une collaboration avec Joël
Joël Dorn définissait un concept, et Yusef jonglait avec : « Jette moi la balle, et je courrai avec »





The Blue Yusef Lateef est un album de blues hors norme :
Un blues cosmopolite qui empreinte aux musique du monde entier, et surtout à l’Orient, cher à YL
Voici les notes de pochette de l’album, écrites par Yusef :
"
L’Amérique est une Nation au sein de laquelle se combinent délicieusement
A peu prêt tous les groupes ethniques qui existent dans le monde.
La musique de cet album est un effort pour illustrer
L’impact que chacun de ces groupes a eu sur l’Amérique en termes d’expression artistique.
C’est aussi une combinaison d’émotions et de pensées uniques ; pleines de personnalité et de sens,
Et, nous espérons, présentée dans des formes musicales assez familières
Pour que les cœurs puissent se rassembler ; Let’s get Together !
Le monde qui aime, vit !
"



L'album Detroit, c'était un album photo, des souvenirs vivants, du cinéma pour tes oreilles !!!

Yusef profite d’une section rythmique groove pour nous transporter dans la ville de son enfance,
La pulsation d’une ville qui résonne du son
- des bonimenteurs de la place du marché
- des chorales gospel qui dansent et chantent avec une ferveur à faire swinguer les murs
- des marching bands avec leurs tambours,
etc...

Dans son autobiographie, Yusef relate les souvenirs qui lui ont inspiré ce morceaux :
"
Tous les dimanches sur le marché de l’Est de la ville !
C’est jour de fête, c’est jour d’affaires pour les fermiers qui vendent leur marchandise à la criée !
Œufs frais, volaille, légumes frais, fruits, et encore des fruits, du miel, et du cidre de pomme,
Venez par ici !!!
Les visages réjouis,
Les gros bras sont chargés de sacs de courses !
La joie d’un enfant à qui on a offert un ballon.
"




La pulsation d’une ville qui vrombit du bruit des moteurs, des klaxons, et des fanfares de rues !
Crosstown Traffic !!!



D'autres souvenirs d'enfance :

En rentrant de l’école Russell School, où il étudiait alors...
La fenêtre d’une église pentecôtiste, peinte en noire;
Il ne pouvait pas voir à l’intérieur, mais il passait chaque jour à côté,
« 
Je restais des heures devant l’église pour écouter, après l’école !
Les jeunes étaient attirés à cause de la musique et de la danse !
C’était très vivant !!!
Un jour, G accepté de jouer dans une de ces églises,
Et nous avons reversé l’argent au profit des enfants pauvres du quartier
 »

Chaque jour de commémoration, Yusef allait sur l’avenue Woodward pour voir et écouter
Les tambours des marching bands et des fanfares de rue !!!
"
Le groupe de Raymond Winchester,
Avec sa batterie faite d’un peigne et d’une boîte
Et sa basse fabriquée avec une baignoire, un manche à balais et de la corde !!!
Des sons produits à l’instinct,
Des sons qui entrent en contact avec l’ultime, avec l’essence même de l’humanité
Vrais, honnêtes et purs !!!
"



Joël Dorn se souvient  des sessions TRÈS PARTICULIÈRES pour " Detroit "

"
Pour le troisième album de Yuef sur ATLANTIC, je voulais l’enregistrer
Avec une section rythmique plus « commerciale », plus groove, plus électrique ;
Avec des musiciens de studio au top  du Rythm & Blues tels que Eric Gale et Richard Tee ;
Mais Yusef voulait jouer avec ses gars !
Après maintes discussions, nous sommes arrivés à un drôle de compromis :
Au lieu d’enregistrer avec l’une ou l’autre des sections rythmiques selon les morceaux,
Yusef a décidé de jouer avec les deux sections rythmiques en même temps !
Deux bassistes, deux batteurs, etc...
Même si je n’avais alors qu’une expérience limitée du studio, quand Detroit a été enregistré
Mes quelques essais de combinaison entre des musiciens de jazz et des requins de studio R&B avaient un goût de mélange d’eau et d’huile :
Le mélange ne se fait pas !!!
Mais j’avais tellement insisté pour que Yusef utilise des musiciens de studio,
Que je ne pouvais plus refuser sa proposition !
La première heure de la première session d’enregistrement a vraiment été dure !
Rien à faire, la mayonnaise ne prenait pas : rien ne se passe !
Et alors, pour aucune raison apparente, tout d’un coup, c’est le déclic, et puis : boom !
On s’est mis a enregistré un morceau de l’heure !!!
Dans la vie, faire des compromis, c’est un signe de maturité,
Mais en art, le compromis ne fonctionne pas, en général.
Mais d’une manière où d’une autre, sur cet album, çà a marché !
Le résultat a d’ailleurs bien plus de Yusef que de moi-même.
"

N’oublions pas que la ville de Detroit est le berceau des studios MOTOWN !
Les extraits de la biographie de YL et les notes de pochettes rédigées par sa femme Saeeda
Laissent entrevoir la vie intense et colorée de cette ville cosmopolite avant la crise.
Mais ne nous y trompons pas, la condition des noirs à Detroit n’était pas des plus facile,
Même durant l’âge d’or de l’industrie
Et quand les blacks bossaient dans les fonderies,
Ils avaient toujours les jobs les plus dangereux et les plus durs !
Pour nombre d’entre eux, c’était Pommes de terre au menu tous les jours !!!
Tout çà, Çà t’apprend à vivre au jour le jour,
A chaque jour suffit sa peine !!!


Live Humble

Vivre humble, c'est le titre d'un morceau de l'album "The Diverse" Yusef Lateef




Vivre Humble, c’est rester attentif aux autres, ne pas chercher la supériorité,
Mais la compassion, l’ouverture, la disponibilité.
Après avoir passé une bonne partie de sa jeunesse à distribuer des colis de nourriture aux pauvres
Yusef est bien placé pour nous parler d’Humilité :

Il s’est payé son premier saxophone en travaillant toute sa jeunesse :
En vendant des journaux et de la camelote à la criée dans les rues de Detroit.
Et il distribuait des paquets de nourriture aux pauvres dès l’âge de 9 ans !
Lors d’une interview, on lui posait la question : d’où te vient cette compassion pour l’humanité ?
Yusef répondait :
« 
Çà m’est venu à l’âge de 9/10 ans.
Les pompes funèbres de Detroit distribuaient alors
Des sacs de nourriture aux pauvres dans le voisinage.
Le croque-mort mettait les sacs dans le camion, et je m’occupais de distribuer les sacs aux gens.
Je n’ai jamais oublié l’expression de leurs visages quand je leur donnais un sac !
Ces visages remplis de joie et de reconnaissance m’ont profondément touché et sont restés avec moi !
Il y a un vieux proverbe qui dit : « la mais du donateur est meilleure que celle du receveur »
Donner, cela stimule ta nature spirituelle...
Tout le monde à çà en lui, et c’est en donnant que l’on reçoit le plus !
J’essaye de maintenir ma nature spirituelle en aimant
Mes enfants, ma femme, mon voisin, et l’homme de la rue.
Quand j’étais sur la route avec mon groupe dans les 70’s, on a joué gratuitement pour les orphelins.
J’essaye d’aider les enfants, car ce sont des gens très particuliers...
 »



Yusef était un amoureux de la nature :

C'était un enfant introverti, contemplatif
Il est devenu un jeune homme travailleur, serein, réfléchi,
Et toute son œuvre est empreinte de spiritualité,

« 
J’étais un fils unique, j’ai donc passé des heures seul avec moi-même.
Le fait de grandi seul m’a rendu plus sensible et plus éveillé à la nature :
Les papillons, le ciel et les arbres.
En fait, je trouvais les fleurs, les fourmis et les sauterelles très distrayantes !
A ce moment, je ne réalisai pas encore que toutes ces choses participaient
Du grand phénomène de la Création.
Je m’émerveille toujours de la nature
 »

Le voici sur en live à la flûte sur une des rares vidéos vintage disponibles sur Youtube :

Une question : Yusef joue-t-il du jazz ?

Eh bien non !!! Trop de connotations négatives pour ce mot issu de l’argot black
Et dont le sens premier est baiser :
Les pianistes de la NO jouaient dans les bordels pour rythmer
Les ébats de ces messieurs blancs avec leur prostituée noire
Quand elle en avait marre de son client, elle disait au pianiste : « JAZZ IT UP !!! »

Pour Yusef, le jazz est un mot insultant, qui diminue celui qui joue
C’est comme parler de bouffe à propos d’une nourriture raffinée
Pour parler de sa musique, Yusef parle d’Autophysiopsychic
Une musique basée sur qui parle au corps, à l’âme et à l’esprit de l’auditeur...
« 
Il existe une communication entre l’artiste et l’auditeur,
Et j’espère que tous les deux deviennent meilleurs et son enrichis par la musique jouée !!!
Pour moi, la vie est un phénomène d’éblouissant,
Et toute la création, les plantes, les animaux et les hommes, font parti de ce phénomène
Je désire que ma musique éveille les gens à qqch qui est déjà en eux, dans leur cœur
Il s’agit de donner de la force et de stimuler leurs émotions et leur âme
Mais si la musique est une extension de mes sentiments et de mes conceptions,
Ce n’est pas que moi, c’est un courant qui me dépasse !!!
Le son passe au travers de moi !
Par exemple, j’entends une voix merveilleuse qui chante, et je joue autour de çà.
Mais ce n’est pas cette personne qui chante qui m’inspire,
C’est la personne qui a créé la musique, c’est donc, en fin de compte, Dieu !
Je crois profondément que c’est Dieu qui te fait pleurer quand tu expérimente la Beauté !
 »



Voici un morceau très "autophysiopsychic" : Bellow Yellow Bell :




Bonnes découvertes !!! Bénévolement votre, le radio-actif Dj aurblor !